Denis Masseglia reprend du service

 

A 74 ans, plus question pour l’ancien rameur de remettre les pieds dans ses anciennes empreintes. Il souhaite “rester utile tout en changeant de posture“. Il a choisi FrancsJeux pour dévoiler ses nouveaux projets, et ébaucher sa vision de l’héritage des Jeux de Paris 2024.

FrancsJeux : Plus de seize mois après la fin de vos 12 années de mandat à la présidence du CNOSF, quel rôle souhaitez-vous jouer aujourd’hui ?

Denis Masseglia : Nous sommes à l’aube du plus grand des événements sportifs, il va être organisé dans notre pays. Quelle responsabilité pour le COJO Paris 2024, pour l’État français, pour nous tous. Mais quelle fantastique opportunité de promouvoir le sport et l’olympisme ! Paris 2024 est le plus grand levier que le sport français a eu à sa disposition pour changer de dimension. Il va y avoir une appétence considérable de nombreux acteurs : médias, entreprises, associations, collectivités, pour parler et entendre parler des Jeux, de leurs enjeux et leur héritage. Elle a déjà commencé. Il va falloir les acculturer aux Jeux et à l’olympisme. J’ai pu voir lors de mes différents rendez-vous avec les entreprises pour Sport en France (la chaîne du CNOSF, ndlr) leur intérêt pour toutes ces questions. Je l’ai observé avec les collaborateurs du groupe Reworld, où je dois faire une conférence pendant la Semaine olympique et paralympique en 2023.

Aujourd’hui, qui peut remplir une telle mission ?

Quelques experts, mais ils ne sont pas légion à avoir fait d’autres campagnes de candidature olympique et joué un rôle prépondérant dans celle de Paris 2024. Je pense faire partie de ce petit groupe, avec Guy Drut et Bernard Lapasset, dont l’état de santé l’empêche de jouer le rôle de président d’honneur de Paris 2024. Alors, disons que je peux être un expert et un ambassadeur légitime.

Vous allez donc passer de dirigeant bénévole à conseil ?

Je vais passer d’un profil d’homme de projets et de combats politiques à celui d’homme de conseil et d’expérience auprès des organisations et de leurs dirigeants. Je souhaiterais aussi intervenir auprès des associations, des écoles ou des universités. Je pourrais également toujours vanter pour les entreprises l’intérêt d’investir dans Sport en France ou plus généralement dans le mouvement sportif. Je reste à vie un militant de base qui souhaite utiliser son énergie et son parcours au service de la cause. L’objectif reste le même. Je change de posture, pas d’engagement.

On vous a beaucoup entendu ces derniers temps sur la crise traversée par le CNOSF, notamment après l’échec du projet de radio…

Le projet radio était pour moi un projet phare de l’héritage de Paris 2024, il devait permettre au CNOSF et au mouvement sportif de passer un cap supplémentaire dans sa médiatisation. On réalisera dans 10 ans, quand le DAB+ (la radio numérique terrestre, ndlr) aura donné sa pleine mesure, ce que le CNOSF et le mouvement sportif ont perdu. Il aurait peut-être été plus pertinent que le projet soit porté par un membre de la nouvelle équipe. Quant à la télévision, nous étions partis contractuellement en 2019 sur la base de 50 événements par an, nous en sommes à 7 fois plus, sans jamais refuser une seule demande aux fédérations. Le budget a plus que doublé au cours de ces 3 années d’existence, et il a fallu trouver des moyens. Je m’y suis attelé, comme président puis ambassadeur de la chaîne. Il en faudra encore plus demain si on veut grandir encore.

Avez-vous aujourd’hui une mission officielle au sein du CNOSF ?

J’avais une lettre de mission comme conseiller sur divers sujets, mais très vite le périmètre s’est réduit à Sport en France. Avec la fin du projet radio, mon engagement ne peut plus être le même. Après 31 ans de présence, dont 12 comme président, j’ai fait le tour de la question, même si j’ai le cœur attaché à jamais à cette maison et à l’olympisme. Il me restera l’immense satisfaction d’en avoir été le président sans la moindre crise politique, éthique ou financière, d’avoir créé les conditions du succès de Paris 2024, et d’avoir réalisé une bonne dizaine de projets d’envergure.

Quels souvenirs les plus marquants vous reste-t-il ?

Ouvrir la présentation de Paris 2024 à la session de Lima en septembre 2017 (photo ci-dessus). Et, à titre encore plus personnel, recevoir l’Ordre olympique à la session du CIO aux Jeux de Tokyo 2020. Je crois compter parmi les très rares récipiendaires de cette distinction au titre de président d’un comité national olympique.

Nous en sommes à moins de deux ans des Jeux de Paris 2024. Que peut-on en attendre pour les clubs et les fédérations sportives ?

La question est essentielle. Les Jeux doivent installer un lien durable entre l’école et le club. L’initiative d’instaurer 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école est super, mais il serait plus efficace de l’accompagner d’un message de promotion pour adhérer à un club. Cela ne coûte pas grand-chose. On peut s’appuyer sur les fédérations de sport scolaire, les dispositifs de la carte passerelle, le pass’sport et la plateforme “Mon Club Près de Chez Moi”. La promotion doit se faire via les enseignants. Tous les enfants passent par l’école, mais les clubs sont contraints d’organiser des journées portes ouvertes pour faire connaître leurs activités. Paris 2024 peut permettre d’en finir avec ce paradoxe. C’est juste une question de volonté politique.

L’échéance des Jeux de Paris 2024 se rapproche, mais est-on sur le bon chemin en termes d’héritage ?

Je n’ai aucun doute sur l’impact des Jeux quant à la pratique sportive. Les Françaises et les Français feront davantage de sport. Mais je suis inquiet pour la pratique des jeunes. Ils sont les plus concernés par le danger de la surexposition devant les écrans. La sédentarité les guette, cela va devenir un enjeu de santé publique. Le mouvement sportif doit pouvoir jouer tout son rôle, en complément de ce qu’il peut apporter en termes d’éducation et de lien social. Miser sur lui, c’est investir pour l’avenir de nos enfants.

Que seraient des Jeux de Paris 2024 réussis ?

J’espère d’abord que tout se passera bien. Nous serons sous le regard du monde entier, les Jeux ont un effet loupe. Tony Estanguet et ses équipes le savent, faisons leur confiance ainsi qu’aux services de l’État. Après, les Jeux doivent permettre à notre pays de passer d’une nation de sportifs à une nation sportive. Pour cela, le projet doit s’appuyer sur les décideurs, qu’ils soient politiques, économiques ou médiatiques. Ils auront les clés. Paris 2024 doit provoquer chez eux un changement de paradigme dans l’utilisation du mot sport. Les Jeux seront réussis si, dans 20 ans, on n’en parle pas seulement comme d’un événement sportif en 2024, mais aussi comme d’un facteur de changement pour la société française.